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novembre 2015.
Mon intervention à 30 minutes 50.
L'Asperger Café
Fichier Audio MP3 83.4 MB
Premier extrait lu par l'animateur :
J’avais très vite deviné que ce jeune homme qui avait débarqué dans ma vie n’avait rien d’ordinaire. D’ailleurs Gabriel se qualifiait souvent d'extra-terrestre et je souriais de cette comparaison. Le constat semblait caricatural. Je le pensais du moins car il semblait y mettre suffisamment de légèreté et ne donnait pas l’impression de s’en inquiéter. Aujourd’hui je ne suis pas certaine que cette remarque fût faite de façon tellement anodine. Ce statut d’extra-terrestre qu’il s’octroyait ne sonnait-il pas comme une possible explication à des troubles que lui-même avait constatés ? Gabriel se rendait compte qu’il ne fonctionnait pas comme tout le monde, qu’il ne pensait pas comme tout le monde, qu’il ne vivait pas comme tout le monde.
— Je me sens en décalage avec tout, disait-il parfois. Tout ce qui m’arrive est en décalage. Rien ne colle. Rien n’est dans les temps.
Je comprenais qu’il exprimait ici à la fois un constat sur sa vie et une interrogation sur les raisons de cette différence. Je le sentais malheureux de cela. Je fis en sorte de le rassurer et cela donna lieu à des conversations, à des réflexions sur l’importance, ou plus exactement sur la non-importance, du temps, élastique, ductile. Les échanges se faisaient plus ou moins philosophiques, plus ou moins sérieux mais ils étaient toujours intenses et instructifs. Ses confidences, la confiance qu’il mettait en moi finirent par attiser totalement la flamme de l’amour et j’accédai à son envie de me rencontrer, de découvrir avec moi sa sexualité pour laquelle il semblait également se poser beaucoup de questions.
Lorsque nous dépassâmes le virtuel pour un premier rendez-vous ce fut effectivement bien un extra-terrestre que je vis débarquer.
Deuxième extrait lu par Matthieu :
Je compris que le papa de Gabriel avait envie de parler, de se livrer. Ma nature discrète me retint de forcer les choses et je me contentai de quelques confidences qui me confortèrent pourtant dans l’idée que si les parents connaissaient fort peu de choses de leur enfant ils avaient néanmoins un doute sur quelque chose.
— Il est tellement secret. Il ne se confie jamais. J’ai parfois l’impression de ne pas connaître mon fils.
Tout était dit. En si peu de mots le père exprimait à la fois sa tristesse et son impuissance devant cet enfant mystérieux. Il livrait ce qu’il portait au fond de lui depuis tellement de temps. Son enfant était différent. Différent de ses autres enfants. Différent des hommes de son âge. Je fus extrêmement touchée par cette brève confidence et emplie de gratitude pour cet homme qui me connaissait à peine et m’offrait sa plus totale confiance.